La Petite Maison dans les Arts
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ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS

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Message  Emma Jeu 8 Nov - 18:40

d'actualité...

LES FEUILLES MORTES

Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,
Des jours heureux quand nous étions amis,
Dans ce temps là, la vie était plus belle,
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Tu vois je n'ai pas oublié.
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi,
Et le vent du nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois, je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais...

C'est une chanson, qui nous ressemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Nous vivions, tous les deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Et la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit.
Et la mer efface sur le sable,
Les pas des amants désunis.
Nous vivions, tous les deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Et la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit.
Et la mer efface sur le sable,
Les pas des amants désunis...

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle,
Les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
Sourit toujours et remercie la vie
Je t'aimais tant, tu étais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie ?
En ce temps-là, la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantais
Toujours, toujours je l'entendrai !

jacques prévert

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Message  Emma Lun 12 Nov - 9:25

Ode à Salvador Dali

Une rose dans le haut jardin que tu désires.
Une roue dans la pure syntaxe de l’acier.
Elle est nue la montagne de brume impressionnistes.
Les gris en sont à leurs dernières balustrades.

Dans leurs blancs studios, les peintres modernes
Coupent la fleur aseptique de la racine carrée.
Sur les eaux de la Seine, un iceberg de marbre
Refroidit les fenêtres et dissipe les lierres.

L’homme, d’un pas ferme, foule les rues dallées
Et les vitres esquivent la magie du reflet.
Le Gouvernement a fermé les boutiques de parfums.
La machine éternise ses mouvements binaires.

C’est une absence de forêts, de paravents, d’entre-sourcils
Qui rôde par les terrasses des maisons antiques.
Et c’est l’air qui polit son prisme sur la mer,
C’est l’horizon qui monte comme un grand aqueduc.

Les marins ignorant le vin et la pénombre
Décapitent les sirènes sur des mers de plomb.
La Nuit, noire statue de la prudence,
Tient le miroir rond de la lune dans sa main.

Un désir nous gagne, de formes, de limites.
Voici l’homme qui voit à l’aide d’un mètre jaune.
Venus est une blanche nature-morte.
Voici que les collectionneurs de papillons s’effacent.

*

Cadaquès, sur le fléau de l’eau et de la colline,
Soulève des gradins et enfouit des coquilles.
Des flûtes de bois pacifient l’air.
Un vieux dieu sylvestre donne des fruits aux enfants.

Sans avoir pris le temps de s’endormir, les pêcheurs dorment sur la sable.
En haute mer, ils ont une rose pour boussole.
L’horizon vierge de mouchoirs blessés
Joint les masses vitrifiées du poisson et de la lune.

Une dure couronne de blanches brigantines
Ceint des fronts amers, des cheveux de sable.
Les sirènes persuasives ne nous suggestionnent pas.
Elles apparaissent au premier verre d’eau douce.

*

Ô Salvador Dali à la voix olivée !
Je ne vante pas ton imparfait pinceau adolescent,
Ni ta couleur qui courtise la couleur de ton temps.
Je chante ton angoisse, ô limité, limité éternel !

Âme hygiénique, tu vis sur des marbres nouveaux.
Tu fuis l’obscure selve des formes incroyables.
Où atteignent tes mains, ta fantaisie atteint,
Et tu jouis du sonnet de la mer dans ta fenêtre.

Aux premières bornes que l’homme rencontre,
Le monde n’est que désordre et que sourde pénombre.
Mais déjà les étoiles, cachant les paysages,
Désignent le schéma parfait de ses orbites.

Le courant du temps s’apaise et s’ordonne
Dans les formes numériques d’un siècle, et d’un autre siècle.
La Mort vaincue se réfugie en tremblant
Dans le cercle étroit de la minute présente.

En prenant ta palette, dont l’aile est trouée d’un coup de feu,
Tu demandes la lumière qui anime la coupe renversée de l’olivier.
Large lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages,
Lumière où ni le songe, ni sa flore inexacte n’ont place.

Tu demandes la lumière antique qui reste sur le front,
Qui ne descend ni à la bouche, ni au cœur de l’homme.
Lumière que craignent les vignes poignantes de Bacchus
Et la force désordonnée qui porte l’eau courbe.

Tu as raison de banderoler la limite obscure,
Toute brillante de nuit. Et en tant que peintre,
Tu ne veux pas que ta forme soit amollie
Par le coton changeant d’un nuage imprévu.

Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage,
Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent.
Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés,
Tu stylises ou copies les petits corps agiles.

Tu aimes une matière définie et exacte
Où le champignon ne puisse dresser sa tente.
Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent
Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie.

Le compas d’acier rythme son court vers élastique.
La sphère déjà dément les îles inconnues.
La ligne droite exprime son effort vertical
Et les cristaux savants chantent leurs géométries.

*

Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis.
Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes !
Tranquille et concentrée comme une statue aveugle,
Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause.

Rose pure, abolissant artifices et croquis
Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire.
(Papillon cloué qui médite son vol).
Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose !

*

Ô Salvador Sali à la voix olivée !
Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux.
Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent,
Mais je chante la parfaite direction de tes flèches.

Je chante ton bel effort de lumières catalanes
Et ton amour pour tout ce qui explicable.
Je chante ton cœur astronomique et tendre,
Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure.

Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve,
La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue.
Je chante la petite sirène de la mer qui te chante,
Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages.

Mais avant tout je chante une pensée commune
Qui nous unit aux heures obscures et dorées.
L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux.
C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent.

Bien avant le tableau que, patient, tu dessines,
Bien avant le sein de Thérèse, à la peau d’insomnie,
Bien avant la boucle serrée de Mathilde l’ingrate,
Passe notre amitié peinte comme un jeu d’oie.

Que des traces dactylographiques de sang sur l’or
Rayant le cœur de la Catalogne éternelle !
Que les étoiles comme des poings sans faucon t’illuminent,
Pendant que ta peinture et que ta vie fleurissent.

Ne regarde pas la clepsydre aux ailes membraneuses,
Ni la dure faux des allégories.
Habille et déshabille toujours ton pinceau dans l’air,
Face à la mer peuplée de barques et de marins.

Federico Garcia Lorca, Traduction par Paul Eluard

portrait de Dali par Lorca
que nous retrouverons sur les pas de Dali


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Message  arvalum Ven 7 Déc - 18:56

Les paroles s'envolent , les écrits restent ...les indiens d'Amérique du sud aimaient bien un produit qu'il mettait à toutes les sauces ...la preuve...ils se sont montrés très volubiles dans les écrits qui ont été retrouvés et dont des copies étaient exposé à Espelette ...l'autre pays du piment ...

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Message  Emma Lun 15 Avr - 15:20

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Le phare d'Eckmühl est une grosse lanterne
Si tu as perdu ta route sur la lande tu regardes
à droite ou à gauche et tu vois où est Saint-Guénolé
Depuis que je vous connais, Marie Guiziou
j'ai cherché vos yeux sur toutes les mers et cette terre-ci
Mais vos yeux tournent de côté et d'autre
Partout où il y a des amoureux
Marie Guiziou, Marie Guiziou!
La vie est comme la lande pour moi
et vous êtes pour moi comme le phare d'Eckmühl!
Marie Guiziou!
Ma vie est comme l'océan autour de Penmarc'h
Et si je ne vois vos yeux
je suis un naufragé sur les rochers

Max Jacob
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Message  Emma Mer 8 Mai - 10:25

L'histoire ne nous fournit que des exemples de paix violée, de guerres injustes et cruelles,
de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L'épuisement seul semble forcer les princes
à la paix; ils s'aperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s'est mêlé à celui de
l'ennemi; ce carnage inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de la gloire du conquérant
et de ses guerriers turbulents; le bonheur de ses peuples est la première victime qui est immolée
à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.

Denis Diderot

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Message  Emma Dim 11 Aoû - 8:54

éloge de la sieste

Victor Hugo 1802-1885

José-Maria de Heredia
1842-1905

Théodore de Banville 1823-1891

René-François Sully Prudhomme
1839-1907

vous offriront une sieste littéraire à mon retour...
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Message  Emma Mer 28 Aoû - 14:15

LE SPECTRE DE LA ROSE

   Soulève ta paupière close
   Qu’effleure un songe virginal ;
   Je suis le spectre d’une rose
   Que tu portais hier au bal.
   Tu me pris encore emperlée
   Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
   Et parmi la fête étoilée
   Tu me promenas tout le soir.

   Ô toi qui de ma mort fus cause,
   Sans que tu puisses le chasser
   Toute la nuit mon spectre rose
   A ton chevet viendra danser.
   Mais ne crains rien, je ne réclame
   Ni messe, ni De Profundis ;
   Ce léger parfum est mon âme
   Et j’arrive du paradis.

   Mon destin fut digne d’envie :
   Pour avoir un trépas si beau,
   Plus d’un aurait donné sa vie,
   Car j’ai ta gorge pour tombeau,
   Et sur l’albâtre où je repose
   Un poète avec un baiser
   Écrivit : « Ci-gît une rose
   Que tous les rois vont jalouser »


On estime à près de 300, le nombre de compositeurs ayant mis Théophile Gautier
en musique, loin devant Hugo et Musset

"Si Gautier choisissait de travailler avec eux, c'est qu'ils partageaient un idéal artistique
qui visait, au-delà de la romance de consommation courante, à la véritable mélodie."

(Andrew G. Gann - Mount Allison University)

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1179

le spectre de la rose est le deuxième d'une série de 6 poèmes mis en musique par
Hector Berlioz (voir hauts lieux de la musique), annonçant la naissance de la mélodie
française avec orchestre; 4 partitions sont conservées à la Côte-Saint-André
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Message  Emma Jeu 29 Aoû - 13:47

Alfred de Musset — Premières poésies

   La Coupe et les lèvres
   POÈME DRAMATIQUE


   Entre la coupe et les lèvres, il reste encore de la
   place pour un malheur. (Ancien proverbe)

Dédicace à M. Alfred Tattet

   Voici mon cher ami, ce que je vous dédie :
   Quelque chose approchant comme une tragédie,
   Un spectacle ; en un mot, quatre mains de papier.
   J’attendrai là-dessus que le diable m’éveille.
   Il est sain de dormir, — ignoble de bâiller.
   J’ai fait trois mille vers : allons, c’est à merveille.
   Baste ! il faut s’en tenir à sa vocation.
   Mais quelle singulière et triste impression
   Produit un manuscrit ! — Tout à l’heure, à ma table,
   Tout ce que j’écrivais me semblait admirable.
   Maintenant, je ne sais, — je n’ose y regarder.
   Au moment du travail, chaque nerf, chaque fibre
   Tressaille comme un luth que l’on vient d’accorder.
   On n’écrit pas un mot que tout l’être ne vibre.
   (Soit dit sans vanité, c’est ce que l’on ressent.)
   On ne travaille pas, — on écoute, — on attend.
   C’est comme un inconnu qui vous parle à voix basse.
   On reste quelquefois une nuit sur la place,
   Sans faire un mouvement et sans se retourner.
   On est comme un enfant dans ses habits de fête,
   Qui craint de se salir et de se profaner ;
   Et puis, — et puis, — enfin ! — on a mal à la tête.
   Quel étrange réveil ! — comme on se sent boiteux !
   Comme on voit que Vulcain vient de tomber des cieux !
   C’est l’effet que produit une prostituée,
   Quand, le corps assouvi, l’âme s’est réveillée,
   Et que, comme un vivant qu’on vient d’ensevelir,
   L’esprit lève en pleurant le linceul du plaisir.
   Pourtant c’est l’opposé ; — c’est le corps, c’est l’argile ;
   C’est le cercueil humain, un moment entr’ouvert.
   Qui, laissant retomber son couvercle débile,
   Ne se souvient de rien, sinon qu’il a souffert.

   Si tout finissait là ! voilà le mot terrible.
   C’est Jésus, couronné d’une flamme invisible,
   Venant du Pharisien partager le repas.
   Le Pharisien parfois voit luire une auréole
   Sur son hôte divin, — puis, quand elle s’envole,
   Il dit au Fils de Dieu : Si tu ne l’étais pas ?
   Je suis le Pharisien, et je dis à mon hôte :
   Si ton démon céleste était un imposteur ?

   Il ne s’agit pas là de reprendre une faute,
   De retourner un vers comme un commentateur,
   Ni de se remâcher comme un bœuf qui rumine.
   Il est assez de mains, chercheuses de vermine,
   Qui savent éplucher un récit malheureux,
   Comme un pâtre espagnol épluche un chien lépreux.
   Mais croire que l’on tient les pommes d’Hespérides
   Et presser tendrement un navet sur son cœur !
   Voilà, mon cher ami, ce qui porte un auteur
   À des auto-da-fés, — à des infanticides.
   Les rimeurs, vous voyez, sont comme les amants.
   Tant qu’on n’a rien écrit, il en est d’une idée
   Comme d’une beauté qu’on n’a pas possédée :
   On l’adore, on la suit ; — ses détours sont charmants.
   Pendant que l’on tisonne en regardant la cendre,
   On la voit voltiger ainsi qu’un salamandre ;
   Chaque mot fait pour elle est comme un billet doux ;
   On lui donne à souper ; — qui le sait mieux que vous ?
   (Vous pourriez au besoin traiter une princesse.)
   Mais dès qu’elle se rend, bonsoir, le charme cesse.
   On sent dans sa prison l’hirondelle mourir.
   Si tout cela, du moins, vous laissait quelque chose !
   On garde le parfum en effeuillant la rose ;
   Il n’est si triste amour qui n’ait son souvenir.

   Lorsque la jeune fille, à la source voisine,
   A sous les nénuphars lavé ses bras poudreux,
   Elle reste au soleil, les mains sur sa poitrine,
   À regarder longtemps pleurer ses beaux cheveux.
   Elle sort, mais pareille aux rochers de Borghèse,
   Couverte de rubis comme un poignard persan, -
   Et sur son front luisant sa mère qui la baise
   Sent du fond de son cœur la fraîcheur de son sang.
   Mais le poète, hélas ! s’il puise à la fontaine,
   C’est comme un braconnier poursuivi dans la plaine,
   Pour boire dans sa main, et courir se cacher, -
   Et cette main brûlante est prompte à se sécher.

   Je ne fais pas grand cas, pour moi, de la critique.
   Toute mouche qu’elle est, c’est rare qu’elle pique.
   On m’a dit l’an passé que j’imitais Byron :
   Vous qui me connaissez, vous savez bien que non.
   Je hais comme la mort l’état de plagiaire ;
   Mon verre n’est pas grand, mais je bois dans mon verre.
   C’est bien peu, je le sais, que d’être homme de bien,
   Mais toujours est-il vrai que je n’exhume rien.

   Je ne me suis pas fait écrivain politique,
   N’étant pas amoureux de la place publique.
   D’ailleurs, il n’entre pas dans mes prétentions
   D’être l’homme du siècle et de ses passions.
   C’est un triste métier que de suivre la foule,
   Et de vouloir crier plus fort que les meneurs,
   Pendant qu’on se raccroche au manteau des traîneurs.
   On est toujours à sec, quand le fleuve s’écoule.
   Que de gens aujourd’hui chantent la liberté,
   Comme ils chantaient les rois, ou l’homme de brumaire !
   Que de gens vont se pendre au levier populaire,
   Pour relever le dieu qu’ils avaient souffleté !
   On peut traiter cela du beau nom de rouerie,
   Dire que c’est le monde et qu’il faut qu’on en rie.
   C’est peut-être un métier charmant, mais tel qu’il est,
   Si vous le trouvez beau, moi, je le trouve laid.
   Je n’ai jamais chanté ni la paix ni la guerre ;
   Si mon siècle se trompe, il ne m’importe guère :
   Tant mieux s’il a raison, et tant pis s’il a tort ;
   Pourvu qu’on dorme encore au milieu du tapage,
   C’est tout ce qu’il me faut, et je ne crains pas l’âge
   Où les opinions deviennent un remord.

   Vous me demanderez si j’aime ma patrie.
   Oui ; — j’aime fort aussi l’Espagne et la Turquie.
   Je ne hais pas la Perse, et je crois les Indous
   De très honnêtes gens qui boivent comme nous.
   Mais je hais les cités, les pavés et les bornes,
   Tout ce qui porte l’homme à se mettre en troupeau,
   Pour vivre entre deux murs et quatre faces mornes ;
   Le front sous un moellon, les pieds sur un tombeau.

   Vous me demanderez si je suis catholique.
   Oui ; — j’aime fort aussi les dieux Lath et Nésu.
   Tartak et Pimpocau me semblent sans réplique ;
   Que dites-vous encor de Parabavastu ?
   J’aime Bidi, — Khoda me paraît un bon sire ;
   Et quant à Kichatan, je n’ai rien à lui dire.
   C’est un bon petit dieu que le dieu Michapous.
   Mais je hais les cagots, les robins et les cuistres,
   Qu’ils servent Pimpocau, Mahomet ou Vishnou.
   Vous pouvez de ma part répondre à leurs ministres
   Que je ne sais comment je vais je ne sais où.

   Vous me demanderez si j’aime la sagesse.
   Oui ; — j’aime fort aussi le tabac à fumer.
   J’estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse ;
   J’aime tous les vins francs, parce qu’ils font aimer.
   Mais je hais les cafards, et la race hypocrite
   Des tartufes de mœurs, comédiens insolents,
   Qui mettent leurs vertus en mettant leurs gants blancs.
   Le diable était bien vieux lorsqu’il se fit ermite.
   Je le serai si bien, quand ce jour-là viendra,
   Que ce sera le jour où l’on m’enterrera.

   Vous me demanderez si j’aime la nature.
   Oui ; — j’aime fort aussi les arts et la peinture.
   Le corps de la Vénus me paraît merveilleux.
   La plus superbe femme est-elle préférable ?
   Elle parle, il est vrai, mais l’autre est admirable,
   Et je suis quelquefois pour les silencieux.
   Mais je hais les pleurards, les rêveurs à nacelles,
   Les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles,
   Cette engeance sans nom, qui ne peut faire un pas
   Sans s’inonder de vers, de pleurs et d’agendas.
   La nature, sans doute, est comme on veut la prendre.
   Il se peut, après tout, qu’ils sachent la comprendre ;
   Mais eux, certainement, je ne les comprends pas.

   Vous me demanderez si j’aime la richesse.
   Oui ; — j’aime aussi parfois la médiocrité.
   Et surtout, et toujours, j’aime mieux ma maîtresse ;
   La fortune, pour moi, n’est que la liberté.
   Elle a cela de beau, de remuer le monde,
   Que, dès qu’on la possède, il faut qu’on en réponde,
   Et que, seule, elle met à l’air la volonté.
   Mais je hais les pieds-plats, je hais la convoitise.
   J’aime mieux un joueur, qui prend le grand chemin ;
   Je hais le vent doré qui gonfle la sottise,
   Et, dans quelque cent ans, j’ai bien peur qu’on ne dise
   Que notre siècle d’or fut un siècle d’airain.

   Vous me demanderez si j’aime quelque chose.
   Je m’en vais vous répondre à peu près comme Hamlet :
   Doutez, Ophélia, de tout ce qui vous plaît,
   De la clarté des cieux, du parfum de la rose ;
   Doutez de la vertu, de la nuit et du jour ;
   Doutez de tout au monde, et jamais de l’amour.
   Tournez-vous là, mon cher, comme l’héliotrope
   Qui meurt les yeux fixés sur son astre chéri,
   Et préférez à tout, comme le Misanthrope,
   La chanson de ma mie, et du Bon roi Henri.
   Doutez, si vous voulez, de l’être qui vous aime,
   D’une femme ou d’un chien, mais non de l’amour même.
   L’amour est tout, — l’amour, et la vie au soleil.
   Aimer est le grand point, qu’importe la maîtresse ?
   Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?
   Faites-vous de ce monde un songe sans réveil.

   S’il est vrai que Schiller n’ait aimé qu’Amélie,
   Goethe que Marguerite, et Rousseau que Julie,
   Que la terre leur soit légère ! — ils ont aimé.

   Vous trouverez, mon cher, mes rimes bien mauvaises :
   Quant à ces choses-là, je suis un réformé.
   Je n’ai plus de système, et j’aime mieux mes aises ;
   Mais j’ai toujours trouvé honteux de cheviller.
   Je vois chez quelques-uns, en ce genre d’escrime,
   Des rapports trop exacts avec un menuisier.
   Gloire aux auteurs nouveaux, qui veulent à la rime
   Une lettre de plus qu’il n’en fallait jadis !
   Bravo ! c’est un bon clou de plus à la pensée.
   La vieille liberté par Voltaire laissée
   Etait bonne autrefois pour les petits esprits.

   Un long cri de douleur traversa l’Italie
   Lorsqu’au pied des autels Michel-Ange expira.
   Le siècle se fermait, — et la mélancolie,
   Comme un pressentiment, des vieillards s’empara.
   L’art, qui sous ce grand homme avait quitté la terre
   Pour se suspendre au ciel, comme le nourrisson
   Se suspend et s’attache aux lèvres de sa mère,
   L’art avec lui tomba. — Ce fut le dernier nom
   Dont le peuple toscan ait gardé la mémoire.
   Aujourd’hui l’art n’est plus, — personne n’y veut croire.
   Notre littérature a cent mille raisons
   Pour parler de noyés, de morts, et de guenilles.

   Elle-même est un mort que nous galvanisons.
   Elle entend son affaire en nous peignant des filles,
   En tirant des égouts les muses de Régnier.
   Elle-même en est une, et la plus délabrée
   Qui de fard et d’onguents se soit jamais plâtrée.
   Nous l’avons tous usée, — et moi tout le premier.
   Est-ce à moi, maintenant, au point où nous en sommes,
   De vous parler de l’art et de le regretter ?
   Un mot pourtant encore avant de vous quitter.
   Un artiste est un homme, — il écrit pour des hommes.
   Pour prêtresse du temple, il a la liberté ;
   Pour trépied, l’univers ; pour éléments, la vie ;
   Pour encens, la douleur, l’amour et l’harmonie ;
   Pour victime, son cœur ; — pour dieu, la vérité.
   L’artiste est un soldat, qui des rangs d’une armée
   Sort, et marche en avant, — ou chef, — ou déserteur.
   Par deux chemins divers il peut sortir vainqueur.
   L’un, comme Calderon et comme Mérimée,
   Incruste un plomb brûlant sur la réalité,
   Découpe à son flambeau la silhouette humaine,
   En emporte le moule, et jette sur la scène
   Le plâtre de la vie avec sa nudité.
   Pas un coup de ciseau sur la sombre effigie,
   Rien qu’un masque d’airain, tel que Dieu l’a fondu.
   Cherchez-vous la morale et la philosophie ?
   Rêvez, si vous voulez, — voilà ce qu’il a vu.
   L’autre, comme Racine et le divin Shakspeare,
   Monte sur le théâtre, une lampe à la main,
   Et de sa plume d’or ouvre le cœur humain.
   C’est pour vous qu’il y fouille, afin de vous redire
   Ce qu’il aura senti, ce qu’il aura trouvé,
   Surtout, en le trouvant, ce qu’il aura rêvé.
   L’action n’est pour lui qu’un moule à sa pensée.
   Hamlet tuera Clodius, — Joad tuera Mathan ;
   Qu’importe le combat, si l’éclair de l’épée
   Peut nous servir dans l’ombre à voir les combattants ?
   Le premier sous les yeux vous étale un squelette.
   Songez, si vous voulez, de quels muscles d’athlète,
   De quelle chair superbe, et de quels vêtements
   Pourraient être couverts de si beaux ossements.
   Le second vous déploie une robe éclatante,
   Des muscles invaincus, une chair palpitante,
   Et vous laisse à penser quels sublimes ressorts
   Impriment l’existence à de pareils dehors.
   Celui-là voit l’effet, — et celui-ci la cause.
   Sur cette double loi le monde entier repose.
   Dieu seul (qui se connaît) peut tout voir à la fois.

   Quant à moi, Petit-Jean, quand je vois, quand je vois,
   Je vous préviens, mon cher, que ce n’est pas grand’chose ;
   Car, pour y voir longtemps, j’aime trop à voir clair :
   Man delights not me, sir, nor woman neither.
   Mais s’il m’était permis de choisir une route,

   Je prendrais la dernière, — et m’y noierais sans doute.
   Je suis passablement en humeur de rêver.
   Et je m’arrête ici, pour ne pas le prouver.

   Je ne sais trop à quoi tend tout ce bavardage.
   Je voulais mettre un mot sur la première page :
   À mon très honoré, très honorable ami,
   Monsieur — et caetera — comme on met aujourd’hui,
   Quand on veut proprement faire une dédicace.
   Je l’ai faite un peu longue, et je m’en aperçois.
   On va s’imaginer que c’est une préface.
   Moi qui n’en lis jamais ! — ni vous non plus, je crois.

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Message  Emma Ven 30 Aoû - 12:37

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1219

Victor Hugo : « L'Art d'être Grand-Père / Jeanne endormie : La sieste »


Elle fait au milieu du jour un petit somme ;
Car l'enfant a besoin du rêve plus que l'homme,
Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel!
L'enfant cherche à revoir Chérubin, Ariel,
Ses camarades, Puck, Titania, les fées,
Et ses mains quand il dort sont par Dieu réchauffées.
Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions,
Au fond de ce sommeil sacré, plein de rayons,
Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages
D'étoiles qui font signe aux enfants d'être sages.
Ces apparitions, ces éblouissements!
Donc, à l'heure où les feux du soleil sont calmants,
Quand toute la nature écoute et se recueille,
Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille
La plus tremblante oublie un instant de frémir,
Jeanne a cette habitude aimable de dormir ;
Et la mère un moment respire et se repose,
Car on se lasse, même à servir une rose.
Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sûr
Dorment ; et son berceau, qu'entoure un vague azur
Ainsi qu'une auréole entoure une immortelle,
Semble un nuage fait avec de la dentelle ;
On croit, en la voyant dans ce frais berceau là,
Voir une lueur rose au fond d'un falbala ;
On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse,
Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse ;
L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer ;
Le vent retient son souffle et n'ose respirer.
Soudain, dans l'humble et chaste alcôve maternelle,
Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle,
Elle ouvre la paupière, étend un bras charmant,
Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement
Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre,
Elle gazouille... - Alors, de sa voix la plus tendre,
Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner,
Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner
A sa joie, à son ange en fleur, à sa chimère :
- Te voilà réveillée, horreur ! lui dit sa mère.
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Message  Emma Lun 9 Sep - 9:02

Victor HUGO (1802-1885)
(Recueil : Les châtiments)

L'expiation

Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,
Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d'ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?
Deux ennemis! le czar, le nord. Le nord est pire.
On jetait les canons pour brûler les affûts.
Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,
Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.
On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,
Voir que des régiments s'étaient endormis là.
Ô chutes d'Annibal ! lendemains d'Attila !
Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,
On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières,
On s'endormait dix mille, on se réveillait cent.
Ney, que suivait naguère une armée, à présent
S'évadait, disputant sa montre à trois cosaques.
Toutes les nuits, qui vive ! alerte, assauts ! attaques !
Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux
Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,
Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,
D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves.
Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.
L'empereur était là, debout, qui regardait.
Il était comme un arbre en proie à la cognée.
Sur ce géant, grandeur jusqu'alors épargnée,
Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;
Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,
Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,
Il regardait tomber autour de lui ses branches.
Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour.
Tandis qu'environnant sa tente avec amour,
Voyant son ombre aller et venir sur la toile,
Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile,
Accusaient le destin de lèse-majesté,
Lui se sentit soudain dans l'âme épouvanté.
Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,
L'empereur se tourna vers Dieu ; l'homme de gloire
Trembla ; Napoléon comprit qu'il expiait
Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,
Devant ses légions sur la neige semées :
« Est-ce le châtiment, dit-il. Dieu des armées ? »
Alors il s'entendit appeler par son nom
Et quelqu'un qui parlait dans l'ombre lui dit : Non.

Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.

D'un côté c'est l'Europe et de l'autre la France.
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance ;
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O Waterloo ! je pleure et je m'arrête, hélas !
Car ces derniers soldats de la dernière guerre
Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
Chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !

Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire ;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! - C'était Blücher.
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme,
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.
La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés,
Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge,
Qu'un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ;
Gouffre où les régiments comme des pans de murs
Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs
Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
Où l'on entrevoyait des blessures difformes !
Carnage affreux! moment fatal ! L'homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon la garde était massée.
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
« Allons ! faites donner la garde ! » cria-t-il.
Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d'un seul cri, dit : vive l'empereur !
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.
Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché,
Regardait, et, sitôt qu'ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l'un après l'autre, en cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d'acier
Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
Ils allaient, l'arme au bras, front haut, graves, stoïques.
Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
Le reste de l'armée hésitait sur leurs corps
Et regardait mourir la garde. - C'est alors
Qu'élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute, géante à la face effarée
Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
Changeant subitement les drapeaux en haillons,
A de certains moments, spectre fait de fumées,
Se lève grandissante au milieu des armées,
La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut !
Sauve qui peut ! - affront ! horreur ! - toutes les bouches
Criaient ; à travers champs, fous, éperdus, farouches,
Comme si quelque souffle avait passé sur eux.
Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil !
Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient ! - En un clin d'œil,
Comme s'envole au vent une paille enflammée,
S'évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
Et cette plaine, hélas, où l'on rêve aujourd'hui,
Vit fuir ceux devant qui l'univers avait fui !
Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
Tremble encor d'avoir vu la fuite des géants !

Napoléon les vit s'écouler comme un fleuve ;
Hommes, chevaux, tambours, drapeaux ; - et dans l'épreuve
Sentant confusément revenir son remords,
Levant les mains au ciel, il dit: « Mes soldats morts,
Moi vaincu ! mon empire est brisé comme verre.
Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ? »
Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon,
Il entendit la voix qui lui répondait : Non !
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Message  Emma Mar 10 Sep - 14:11


A M. V. H.

Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux,
Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.

Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux.
Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux,
Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes.

De ces biens passagers que l’on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble,

On s’approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain.

Alfred de Musset
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Message  Emma Jeu 12 Sep - 8:25

La conscience

Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Echevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva
Au bas d’une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d’haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l’ombre fixement.

« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l’espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s’asseyait, il vit dans les cieux mornes
L’oeil à la même place au fond de l’horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l’aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Etends de ce côté la toile de la tente. »
Et l’on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l’eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l’enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l’aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet oeil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d’elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu’il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d’Enos et les enfants de Seth ;
Et l’on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d’enfer ;
L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l’épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d’entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l’aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L’oeil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : ” Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C’est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’oeil était dans la tombe et regardait Caïn.

Victor Hugo
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Message  Emma Dim 15 Sep - 9:14

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1380

DEUX LIONS

Deux grands lions rapportés de l'Attique
   Font sentinelle aux murs de l'Arsenal
   Paisiblement, et près du couple antique,
   Tout est petit, porte, tour et canal.

   Ils semblent faits pour le char de Cybèle,
   Tant ils sont fiers, et la mère des dieux
   Voudrait au joug ployer leur cou rebelle,
   Si pour la terre elle quittait les cieux.

   Mais maintenant ils gardent la poterne,
   Tristes, sans gloire, et l'on entend ici
   Miauler partout le chat ailé moderne
   Que pour patron Venise s'est choisi !

   Théophile Gautier
- Voyage d'Italie 1852
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Message  Emma Dim 22 Sep - 7:55

Dans Venise la rouge (1828)

   Dans Venise la rouge,
   Pas un bateau qui bouge,
   Pas un pêcheur dans l'eau,
   Pas un falot.

   Seul, assis à la Grève,
   Le grand lion soulève,
   Sur l'horizon serein,
   Son pied d'airain.

   Autour de lui, par groupes,
   Navires et chaloupes,
   Pareils à des hérons,
   Couchés en rond,

   Dorment sur l'eau qui fume,
   Et croisent dans la brume,
   En légers tourbillons,
   Leurs pavillons.

   La lune qui s'efface
   Couvre son front, qui passe
   D'un nuage étoilé
   Demi-voilé.

   Ainsi, la dame abbesse
   De Sainte-Croix rabaisse
   Sa cape aux larges plis
   Sur son surplis.

   Et les palais antiques,
   Et les graves portiques,
   Et les blancs escaliers
   Des chevaliers,

   Et les ponts, et les rues,
   Et les mornes statues
   Et le golfe mouvant
   Qui tremble au vent,

   Tout se tait, fors les gardes
   Aux longues hallebardes,
   Qui veillent aux créneaux
   Des arsenaux.

   — Ah! maintenant plus d'une
   Attend, au clair de lune,
   Quelque jeune muguet,
   L'oreille au guet.

   Pour le bal qu'on prépare,
   Plus d'une qui se pare,
   Met devant son miroir
   Le masque noir.

   Sur sa bouche embaumée
   La Vanina pâmée
   Presse encore son amant,
   En s'endormant.

   Et Narcisa, la folle,
   Au fond de sa gondole,
   S'oublie en un festin
   Jusqu'au matin.

   Et qui, dans l'Italie,
   N'a son grain de folie ?
   Qui ne garde aux amours
   Ses plus beaux jours ?

   Laissons la vieille horloge,
   Au palais du vieux doge,
   Lui compter de ses nuits
   Les longs ennuis.

   Comptons plutôt, ma belle,
   Sur ta bouche rebelle
   Tant de baisers donnés...
   Ou pardonnés.

   Comptons plutôt tes charmes,
   Comptons les douces larmes
   Qu'à nos yeux a coûté
   La volupté!

  Alfred de Musset -Premières poésies, 1828

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Message  Emma Dim 29 Sep - 7:31

Frontispice

Sur l'eau verte, bleue ou grise
Des canaux et du canal,
Nous avons couru Venise
De Saint-Marc à l'Arsenal.

Au vent vif de la lagune,
Qui l'oriente à son gré,
J'ai vu tourner ta Fortune,
O Dogana di Mare!

Souffle de l'Adriatique,
Brise molle ou sirocco,
Tant pis, si ton doigt m'indique
Fusine ou Malamocco !

La gondole nous balance
Sous le felze, et, de sa main,
Le fer coupe le silence
Qui dormait dans l'air marin.

Le soleil chauffe les dalles
Sur le quai des Esclavons;
Tes détours et tes dédales,
Venise, nous les savons !

L'eau luit; le marbre s'ébréche;
Les rames se font écho,
Quand on passe à l'ombre fraîche
Du Palais Rezzonico.

Henri de Régnier (1864-1936)

un beau regard sur Venise

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Message  Emma Sam 12 Oct - 13:54

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1101

Anna de Noailles (1876-1933)
a célébré la nature devenant " la muse des jardins"
mais celle qui mangea son pain blanc trop tôt, qui fut tant adulée
écrivait enfermée rue Schaeffer pour ne pas mourir...


Le jardin et la maison

Voici l'heure où le pré, les arbres et les fleurs
Dans l'air dolent et doux soupirent leurs odeurs.

Les baies du lierre obscur où l'ombre se recueille
Sentant venir le soir se couchent dans leurs feuilles,

Le jet d'eau du jardin, qui monte et redescend,
Fait dans le bassin clair son bruit rafraîchissant ;

La paisible maison respire au jour qui baisse
Les petits orangers fleurissant dans leurs caisses.

Le feuillage qui boit les vapeurs de l'étang
Lassé des feux du jour s'apaise et se détend.

- Peu à peu la maison entr'ouvre ses fenêtres
Où tout le soir vivant et parfumé pénètre,

Et comme elle, penché sur l'horizon, mon coeur
S'emplit d'ombre, de paix, de rêve et de fraîcheur...


(Recueil : Le coeur innombrable)

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Message  Emma Mar 15 Oct - 14:25

Jean de La Fontaine (1621-1695)

avocat ou Parlement de Paris
maître des Eaux et Forêts
ami de Nicolas Fouquet (donc détesté par Colbert)et, ô ironie de l'histoire,
à l'Académie, il succédera à ...Colbert
et
243 fables
La fable n'est pas la démonstration d'une morale, c'est un court récit à l'intrigue rapide et vive
où le poète a manifesté sa parfaite maîtrise de la langue et du vers.


ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1144

des morales qui vont bien au-delà du XVIIe siècle
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Message  Emma Mer 16 Oct - 14:20

un passé qui surgit de manière involontaire
des souvenirs marqués par l'odeur et la saveur
toute la nostalgie proustienne

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La madeleine  - Du coté de chez Swann – A la recherche du temps perdu

«  Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. Et dès que j’eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s’appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu’on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j’avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu’au soir et par tous les temps, la Place où on m’envoyait avant déjeuner, les rues où j’allais faire des courses, les chemins qu’on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l’église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé »


Marcel Proust (voir littérature/histoire, il y a cent ans)
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Message  Emma Lun 25 Nov - 9:56

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1478

Pétrarque à la Marciana

Francesco Petrarca (1304-1374)
poète italien qui mit en vers son amour pour Laure, la belle Avignonnaise
pour laquelle il n'écrira pas moins de 115 sonnets

ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1479

OU

Que de fois, tout en pleurs, fuyant le genre humain,

Et me fuyant moi-même en mon charmant asile,

J'inonde ma poitrine et l'herbe du chemin !

Que de fois mes soupirs troublent l'air immobile!



Que de fois, seul, en proie à mes rêves d'amour,

Au fond d'un bois épais et d'une grotte obscure,

Je cherche autour de moi cette femme si pure

Que me ravit la tombe où j'aspire à mon tour!



Tantôt elle s'élance en nymphe vaporeuse

Sur les flots argentés de la Sorgue écumeuse,

Et s'assied près de moi sur ses bords enchanteurs;



Tantôt, d'un pied léger, son image chérie

Agite doucement les fleurs de la prairie,

Et semble à mon aspect prendre part à mes pleurs.
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Message  Emma Jeu 19 Déc - 8:38

Charles Péguy : Châteaux de Loire

Le long du coteau courbe et des nobles vallées
Les châteaux sont semés comme des reposoirs,
Et dans la majesté des matins et des soirs
La Loire et ses vassaux s'en vont par ces allées.

Cent vingt châteaux lui font une suite courtoise,
Plus nombreux, plus nerveux, plus fins que des palais.
Ils ont nom Valençay, Saint-Aignan et Langeais,
Chenonceau et Chambord, Azay, le Lude, Amboise.

Et moi j'en connais un dans les châteaux de Loire
Qui s'élève plus haut que le château de Blois,
Plus haut que la terrasse où les derniers Valois
Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire.

La moulure est plus fine et l'arceau plus léger.
La dentelle de pierre est plus dure et plus grave.
La décence et l'honneur et la mort qui s'y grave
Ont inscrit leur histoire au coeur de ce verger.

Et c'est le souvenir qu'a laissé sur ces bords
Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve.
Son âme était récente et sa cotte était neuve.
Innocente elle allait vers le plus grand des sorts.

Car celle qui venait du pays tourangeau,
C'était la même enfant qui quelques jours plus tard,
Gouvernant d'un seul mot le rustre et le soudard,
Descendait devers Meung ou montait vers Jargeau.


Charles Péguy (1873-1914)
un poète tué d'une balle en plein front en septembre 1914

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Jeanne d'Arc celle qui gouvernait "d'un seul mot le rustre et le soudard"
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Message  Emma Dim 5 Jan - 9:28

Ballade des femmes de Paris.

« Quoi qu’on tienne belles langagères
Florentines, Vénitiennes,
Assez pour être messagères,
Et mêmement les anciennes ;
Mais soient Lombardes, Romaines,
Genevoises, à mes périls,
Piémontaises, Savoisiennes,
Il n’est bon bec que de Paris

De beau parler elles tiennent chaires,
Ce dit-on, les Napolitaines,
Et sont très  bonnes  caquetières
Allemandes et Prussiennes ;
Soient Grecques, Egyptiennes,
De Hongrie ou d’autre pays,
Espagnoles ou catalanes,
Il n’est bon bec que de Paris
 
Bretonnes, Suisses ne savent guère,
Gasconnes aussi Toulousaines :
Du Petit Pont deux harangères
Les conclueront, et les Lorraines
Anglaises et Calaisiennes,
- Ai-je beaucoup de lieux compris ? -
Picardes de Valenciennes ;
Il n’est bon bec que de Paris
       
Prince, aux dames parisiennes
De bien parler donnez le prix.
Quoi que l’on dise d’Italiennes,
Il n’est bon bec que de Paris ».


François Villon
(1431-1463?)

il naît l'année où meurt Jeanne d'Arc
une vie aventurière, mélange de révolte et de désespoir
des vers à l'accent unique

Villon fréquenta l'Université de Paris, y fit de bonnes études
et devint même artier (maître ès arts) à la Sorbonne

Il battit sûrement le pavé de la rue Galande du côté de Saint Julien le Pauvre
où se tenaient les assemblées générales estudiantines

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Message  Emma Mar 21 Jan - 8:49

Tilti nekrìt. Tâ tikai vèl trúka, lai tilti kristu! Un krìtoš as zvaigznes nemaz nav zvaigznes, bet sìki meteorìti. Tâtad?

Kopìgs ir sens, mìl š ticèjums.

Pirmo reizi ejot vai braucot pâr tiltu vajag vèlèties un vèlèš anâs piepildìsies.

Krìtoš u zvaigzni redzot vajag vèlèties un vèlèš anâs piepildìsies.

Jauš am, ka diezvai piepildìsies tomèr pats vèlèš anâs mirklis ir skaists, un mès vèlamies. Cits varu, cits naudu, cits slavu, cits mìlestìbu. Parasti jau mìlestìbu, jo pat vareno, slaveno un bagâto sirdìm gadâs bút vientul âm un nesaprastâm. Ne velti visuvarenais un visubagâtais valdnieks Zâlamâns sacìjis :"Un ja kâds atdotu visu sava nama mantu par mìlestìbu, vin š tomèr paliktu tikai par apsmieklu."

Gudrais Zâlamâns nedâvâja Sulamìtei visu sava nama mantu, bet Augsto Dziesmu, jo dzeja ir tilts starp sirdìm - stiprs kâ tie, pâr upèm, un trausls kâ zvaigznes kritiens. To zinâja Zâlamâns, to zina dzejnieki, kas nâkuš i pèc vin a, tâpèc dzejnieki pieskaitâmi tiltu cèlâjiem, kaut gan tos sarež g ìtos tilta búves aprèk inus varat vin iem nerâdìt - vin i nesapratìs ne nieka.

Dzejnieki orientèjâs tikai sirds materiâla pretestìbâ, jútu straumès, varbútìbas virpul os. Droš ìbu pret plúdiem vin i nemeklè- lai nâk, dzeju tie neapdraud. L aunâki ir izsìkumi, kad tikai vârgas urdzin as lokâs ap gultnes akmeniem.

Tâpèc, lai kâdi úden i apakš â, cilvèki nâk uz tiltiem un dzejâ ar savâm steigas novârtâ pamestâm sirdìm, ar vientulìbu un slepenu vèlèš anos. Jâ, protams, vin i nevèlas varu, slavu un naudu.Tiem uz dzejas tiltiem nav ko meklèt, Dzejas tilti, kâ jebkuri tilti, ir mìlestìba, sapraš anâs, krastu kopâ sadotas rokas.

Jús ejat pirmo reizi pâr š o tiltu. Vai nepiemirsât vèlèties?

LE PONT ET L'ETOILE FILANTE


Les ponts ne tombent pas. Il ne manquerait plus que les ponts tombent ! Et les étoiles filantes ne sont même pas des étoiles mais de menus météorites. Alors?

Ils ont en commun une très chère, très vieille croyance.

En traversant à pied ou en voiture un pont pour la première fois, si tu fais un vœu il sera exaucé.

En voyant une étoile filante, si tu fais un vœu il sera exaucé.

On sait qu’il ne se réalisera pas, nous le pressentons mais l’instant du vœu est si beau que nous le faisons. L’un veut le pouvoir, l’autre l’argent. L’un veut la gloire, l’autre l’amour. D’ordinaire, c’est l’amour que l’on veut car parfois, dans leur cœur, même les puissants, les illustres et les nantis se sentent solitaire et incompris.

Le tout-puissant et fortuné roi Salomon n’a-t-il pas dit: «Et même si quelqu’un donnait tous les biens de sa maison pour l’amour, il n’en serait pas moins la risée de tous.»

A la Sulamite, Salomon le Sage n’a pas offert tous les biens de sa maison mais le Cantique des cantiques, car la poésie est un pont entre les cœurs ­ solide comme ceux qui franchissent les fleuves, frêle comme la chute d’une étoile. Salomon le savait, les poètes venus après lui le savent: c’est pour cela que les poètes font partie des bâtisseurs de ponts; mais inutile de leur montrer les plans compliqués des devis de constructions, ils n’y entendront rien.

La résistance des matériaux du cœur, les torrents des sentiments, les tourbillons des vraisemblances, c'est seulement là que les poètes s’orientent bien. Ils ne cherchent pas à se mettre à l’abri du déluge ­ qu’il vienne, la poésie ne craint rien. Plus dangereux sont les ruisselets presque taris qui sourdent et serpentent entre les galets dans le lit de la rivière.

Quelles que soient les eaux qui coulent en dessous, malgré tout, les hommes viennent sur les ponts et à la poésie, le cœur, dans la hâte délaissé à la solitude et aux désirs secrets. Oh! bien sûr! ils ne demandent ni pouvoir, ni gloire, ni argent, qui n’ont rien à faire sur les ponts de poésie. Les ponts de poésie, comme tous les ponts, sont amour, compréhension, les mains des rives qui se joignent.

Vous traversez pour la première fois ce pont. N’avez-vous pas oublié de faire un vœu ?


ECRIVAIN, POETE, prête-moi ta plume - MORCEAUX CHOISIS - Page 3 1_1_1050

Vizma Belsevica
femme de lettres lettonne
"la conscience"
souvent interdite, jamais réduite au silence

ses poèmes ont été mis en musique par Raymond Pauls, pianiste
et ex-ministre de la culture lettonne

NB: Vizma Belsevica n'étant pas traduite en français, les traductions de la toile
sont peut-être sujettes à caution
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Message  Emma Lun 24 Fév - 15:32

Tu As Bien Fait De Partir, Arthur Rimbaud...


Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud!
Fureur et mystère, 1962


Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.


Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.


Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.


René Char

(voir lettres et manuscrits)
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Message  Emma Dim 20 Avr - 8:10

PETALES DE PIVOINE

Pétales de pivoine
Trois pétales de pivoine
Rouges comme une pivoine
Et ces pétales me font rêver

Ces pétales ce sont
Trois belles petites dames
À peau soyeuse et qui rougissent
De honte
D’être avec des petits soldats

Elles se promènent dans les bois
Et causent avec les sansonnets
Qui leur font cent sonnets

Elles montent en aéroplane
Sur de belles libellules électriques
Dont les élytres chatoient au soleil

Et les libellules qui sont
De petites diablesses
Font l’amour avec les pivoines
C’est un joli amour contre nature
Entre demoiselles et dames

Trois pétales dans la lettre
Trois pétales de pivoine.


*


Quand je fais pour toi mes poèmes quotidiens et variés
Lou je sais bien pourquoi je suis ici
À regarder fleurir l’obus à regarder venir la torpille aérienne
À écouter gauler les noix des véhémentes mitrailleuses

Je chante ici pour que tu chantes pour que tu danses
Pour que tu joues avec l’amour
Pour que tes mains fleurissent comme des roses
Et tes jambes comme des lys
Pour que ton sommeil soit doux


*


Aujourd’hui Lou je ne t’offre en bouquet poétique
Que les tristes fleurs d’acier
Que l’on désigne par leur mesure en millimètres
(Où le système métrique va-t-il se nicher)
On l’applique à la mort qui elle ne danse plus
Mais survit attentive au fond des hypogées


*


Mais trois pétales de pivoine
Sont venus comme de belles dames
En robe de satin grenat
Marquise
Quelle robe exquise
Comtesse
Les belles f…es
Baronne
Écoutez la Mort qui ronronne
Trois pétales de pivoine
Me sont venus de Paris

(Guillaume Apollinaire, Poèmes à Lou, ch. LII)


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une chronique entière a été consacrée à Apollinaire (voir malles d'archives)
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Message  Emma Jeu 8 Mai - 8:28

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud
(1854-1891)
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